Plan directeur cantonal 2030, la machine de guerre de Mark Muller

Le 8 juillet se terminait l’enquête publique sur le plan directeur cantonal 2030 (PDCn) un document fondamental qui engage l’Etat, les communes et de fait, les genevois qui devront vivre avec jusqu’en 2030. La plupart des genevois n’auront sans doute même pas réalisé qu’ils pouvaient s’exprimer sur ce document qui oriente l’aménagement de notre territoire cantonal soit que construire et où?

Il faut dire que le laps de temps de l’enquête était court, le document volumineux et d’accès difficile pour le citoyen non spécialiste. J’espère pourtant que de nombreux citoyens auront pris la peine de s’exprimer car l’enquête publique est le seul moment durant tout le processus d’adoption où ils pouvaient donner leur opinion.

Si dans le cadre de mon activité professionnelle (www.pic-vert.ch) les observations transmises sont restées très factuelles, à titre personnel, j’ai préféré laisser parler mon coeur et je n’ai pas été tendre avec ce plan directeur dont je n’approuve pas l’objectif prioritaire : accueillir à Genève  + 100 000 habitants (soit 25% de plus qu’aujourd’hui), + 50’000 emplois et logements d’ici 2030 ceci dans le but de rééquilibrer logements et emplois au niveau transfrontalier.

Je ne partage pas l’enthousiasme du PDCn sur la concrétisation des mesures de part et d’autre de la frontière. Nos nations pourtant voisines, n’ont pas la même tradition politique, sociale, fiscale, environnementale, etc. Nous parlons la même langue et adorons d’ailleurs en faire usage, mais la mise en œuvre concertée de solutions partagées est un défi que nous peinons à vraiment vouloir relever et traduire en faits.

Je suis totalement choquée de l’absence au niveau du PDCn de mesures concrètes à mêmes de préserver la biodiversité, de notre canton. Les faits sont pourtant implacables, malgré tous les efforts de renaturation entrepris, la biodiversité ne cesse de se dégrader. Il est évident que +100’000 habitants dans le canton et +200’000 au niveau du bassin transfrontalier vont péjorer notre environnement naturel, épuiser nos ressources et dégrader la qualité de vie de l’ensemble des êtres vivants de notre région.

Depuis 7 ans, je réhabilite les hérissons. Plus d’une cinquantaine par année arrivent épuisés, blessés, empoisonnés et trop souvent mourants. Je constate chaque année à quel point la situation se péjore et je peux même, en fonction de leur provenance, dire où l’environnement se dégrade plus qu’ailleurs. Ils sont le reflet de notre nature mise à mal. Privés de leur habitat par la transformation trop rapide de nos quartiers, assoiffés et affamés par nos pratiques culturales, écrasés par nos véhicules trop nombreux, les hérissons sont chaque année plus nombreux à payer de leur vie notre mode de vie. Et ce que le hérisson subit, la plupart des espèces de notre faune sauvage aussi. Et ce que nous faisons subir à la nature, nous nous l’infligeons à nous-mêmes.

Depuis mon enfance, je vois Genève se transformer, grandir, s’enlaidir, se salir, devenir de moins en moins sûre, de plus en plus chère. La classe moyenne vivait bien, pouvait même se payer une villa, l’argent et les surfaces pour y parvenir étaient encore suffisants. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Quant au PDCn, il stigmatise et vise à déloger la classe moyenne de ces villas, et  il ne prévoit pas de solutions pour reloger ces familles, qui ont travaillé, qui se sont investies et ont cru en Genève.

Cette dégradation des conditions de vie, du pouvoir d’achat, de l’emploi, de la formation, etc. n’est pas une fatalité. Elle est due à l’accueil sans discernement d’un nombre de personnes supérieur à ce que notre territoire peut supporter. Elle est due à des orientations en matière de développement économique qui ne correspondent pas aux qualifications que notre système éducatif pourvoit. Elle est due à des politiques qui ont abandonné leurs citoyens de longue date. Sombre avenir pour nos enfants. Depuis que je suis devenue députée et conseillère municipale, je ne peux que constater, choquée, à quel point il ne s’agit pas là juste d’un « sentiment » mais bel et bien, hélas, d’une réalité. Le PDCn, ne fait qu’amplifier les phénomènes décrits ci-dessus, il ne fait que s’éloigner d’un développement durable, raisonnable, qualitatif et non quantitatif. L’option de base d’accueillir +100 000 habitants à Genève est une erreur. Le PDCn devrait au contraire rechercher les pistes pour orienter la croissance, pour aider véritablement et prioritairement les genevois. Politiquement incorrect ? Euro-incompatible ? J’ose le dire ouvertement, à force d’éviter le risque de toute forme de discrimination, c’est le citoyen de ce pays qui est discriminé.

Le plus fort grief que je formule à l’encontre du PDCn, c’est de négliger totalement l’incidence en matière d’infrastructures, qu’implique la croissance de population annoncée. Nos hôpitaux ne peuvent plus prendre en charge les patients, il faudra donc en construire davantage. Les écoles de la rive droite sont saturées, il faudra en construire de nouvelles. Tous les réseaux (eau potable, voiries, électricité, eaux usées, etc.) sont en limite de capacité, le PDCn ne les mentionne même pas ! Aucune de nos infrastructures est capable de supporter l’accroissement de population annoncé et le PDCn ne parle quasiment pas des infrastructures, c’est inadmissible, irresponsable ! Dans les faits, l’Etat et les communes n’ont pas les moyens de financer toutes ces nouvelles infrastructures en plus des nouveaux logements nécessaires aux 100’000 habitants supplémentaires et notre territoire n’a pas la capacité requise. Pour rappel, les surfaces d’habitat et d’infrastructures utilisées par personne qui étaient encore de 382 m² au début des années 1980, a franchi aujourd’hui le seuil des 400 m²/personne. Ce chiffre est le maximum fixé par le Conseil fédéral dans la Stratégie pour le développement durable 2008-2011. C’est donc 40 millions de m2 qu’il faudra trouver ! Un casse tête et une levée de boucliers citoyens garantis. Ces raisons à elles seules auraient dû amener à orienter la réflexion, le concept et les propositions du PDCn dans une direction toute autre que celle proposée.

Il n’est pas trop tard pour modifier et réorienter le concept, espérons que l’administration dans sa grande sagesse, tiendra compte de l’avis des nombreux citoyens qui auront pris la peine de s’exprimer.

8.7.2011

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