Pas d’espèces sauvages sans sauvegarde des espaces

Des corridors biologiques essentiels pour la faune sauvage du bassin genevois

L’action de sauvegarde des vergers traditionnels à haute tige en est l’exemple type qui a porté ses fruits tant en termes de succès pour la chevêche que pour l’action pour laquelle l’ASPO Birdlife a obtenu une reconnaissance internationale* dans le cadre de la décennie de la biodiversité des Nations Unies 2011-2020. 20 ans plus tard, la chevêche se porte bien dans le canton de Genève (article dans la Salamandre du mois de mai 2016).

Tout a commencé par une rencontre, au pied d’un chêne à Bardonnex avec une chouette chevêche. Je venais d’être engagée par Pro Natura Genève (à l’époque connue sous le nom de AGPN ou association genevoise pour la protection de la nature) et déjà un premier défi m’était lancé. Comment sauver ce petit rapace aux yeux d’or dont une des dernières populations, celle du coteau de Saconnex d’Arve, allait être mise en péril par la construction d’une bretelle autoroutière ?  S’opposer eut été vain, mieux valait profiter de la construction de l’autoroute pour revitaliser la nature,  telle était mon idée, voilà comment je l’ai mis en œuvre et comment elle s’est transformée en une action durable dans tous les sens du terme.

Pour que les derniers vergers traditionnels de la campagne genevoise ne disparaissent pas !

Si les chênes sont bien protégés, les vergers ne le sont pas du tout et Genève a perdu plus d’une centaine de milliers d’arbres à hautes tiges durant la deuxième moitié du vingtième siècle (en 1991, date du dernier recensement fédéral, il n’en restait que 17’000).

Pro Natura, décide d’effectuer, en 1991,  un  inventaire des vergers haute tige du canton de Genève, pour faire un état des lieux précis de la situation sur le terrain.

Alors que je mène pour Pro Natura l’inventaire des vergers, le projet d’autoroute de contournement est au stade de l’évaluation des impacts. Des mesures environnementales devront être prises pour garantir un bilan écologique équilibré.

Face au projet de réaliser le dernier tronçon  de l’autoroute de contournement  de Genève à travers la région de Plan-les-Ouates, Pro Natura Genève propose comme mesure compensatoire de sauvegarder les vergers du coteau de Saconnex-d’Arve. Le tracé de l’autoroute côtoie des biotopes favorables pour l’avifaune et la Chouette chevêche, dont la population est en nette régression. La revitalisation des vergers de cette région, pour la plupart en piteux état, s’impose. En 1993, le Département des travaux publics et  l’office fédéral des routes nationales entrent en matière sur cette  compensation écologique novatrice et adéquate, permettant par ailleurs d’assurer la pérennité de la population de Chevêche du canton de Genève.

Bien sûr, la mesure ne pouvait être réalisée sans l’accord des propriétaires. Mais j’avais trouvé les moyens légaux et financiers pour sauver le plus bel ensemble de vergers du canton de Genève. Cette action a sans doute été la première action transfrontalière d’envergure pour la nature, des années avant que l’on ne parle de projet d’agglo, de Grand Genève et de GLCT.  Entre 1994 et 1997, l’action de sauvegarde des vergers traditionnels de Pro Natura Genève a permis de revitaliser 112 vergers dignes d’intérêt dont tous ceux du coteau de Saconnex d’Arve.

A chaque commune son verger. Durant cette période près de 2’400 arbres de variétés anciennes ont été plantés, la plupart avec l’aide des enfants des écoles des communes genevoises et françaises concernées. Des communes  qui ont aussi joué le jeu et planté des vergers hautes tiges. A Genève: Bardonnex, Bernex, Confignon, Jussy, Puplinge, Presinge, Vandoeuvres, Versoix,  En France voisine: Divonne, Grilly, Cessy, Péron, Prévessin-Moens, Sergy,Viry. Certaines communes l’ont fait des années plus tard, au gré des opportunités: Avusy, Vernier (en 2012 et par un merveilleux hasard, presque à côté de chez moi !).

Tout au long de ces dix ans passés à revitaliser les vieux vergers par de nouvelles plantations d’arbres fruitiers d’anciennes variétés avec des enfants, une équipe magnifique était à mes côtés: l’arboriculteur Nicolas Varidel et l’ornithologue Christian Meisser qui s’occupait plus particulièrement de la chouette chevêche (via un programme nommé SOS chouette chevêche de recensement, baguage et pose de nichoirs). Tous deux ont depuis fondé leur propre entreprise mais il n’ont jamais abandonné les vergers et la chevêche. Merci aussi à Patrick Albrecht (ASPO-Nos Oiseaux-Birdlife) et Patrick Guillemenot (LPO), à Maryam Blanchard (Orilan) et à Denis Gauthier (Pro Specie Rara). Sans eux la sensibilisation des enfants n’aurait pas accompagné cette action et sans eux elle n’aurait pas essaimé jusqu’en France voisine. Je n’oublierai pas non plus ceux qui nous ont quitté et qui avaient aussi chacun à leur manière contribué à cette magnifique action: Paul Géroudet, Jean-Charles Doebeli, Gérard Wiesmann. Que ceux que j’ai omis de citer me pardonnent, tant de personnes ont contribué au succès de cette belle action !

L’action transfrontalière de sauvegarde des vergers à hautes tiges a reçu plusieurs prix, en 1995 celui de l’Environnement (devenu prix du Développement durable du canton de Genève) et en 2003, celui du Fonds suisse pour le paysage (FSP). Elle a toujours reçu le soutien de la Fondation Hans Wisdorf.

J’ai quitté Pro Natura en l’an 2000, mais l’action de sauvegarde des vergers a été poursuivie. Depuis l’an 2000, les responsables du projet verger ont décidé de concentrer l’action sur une cinquantaine de vergers présentant un caractère écologique de première importance. Cette nouvelle orientation a  permis d’assurer un suivi de qualité sur les vergers entretenus ainsi que de garder un contact étroit et privilégié avec les propriétaires. 1900 arbres ont été taillés et entretenus et 500 arbres hautes tiges plantés.

L’action de Pro Natura Genève pour la sauvegarde des vergers à hautes tiges s’inscrit dans une vision globale du territoire et va bien au-delà de la revitalisation des vergers, puisqu’une attention particulière est portée à la restauration des éléments de liaison (haies, bandes herbeuses, etc.) assurant l’interconnexion des vergers à l’échelle du bassin genevois et au-delà.

En 1997,  un numéro spécial du  journal de Pro Natura Genève, le Malagnou (2/97), a été consacré  à l’action des vergers à hautes tiges. Il a été financé par le département des travaux publics de l’époque, il  est préfacé par le Conseiller d’Etat  Philippe Joye.

L’action de sauvegarde des vergers a été poursuivie jusqu’en 2018 par Pro Natura Genève. C’est le WWF qui la porte aujourd’hui

Le vendredi 13 juin 2014, le projet „Grenzüberschreitende Förderung der Streuobstwiesen und ihrer Artenvielfalt » (promotion transfrontalière des vergers à hautes tiges et de leur diversité en espèces), dont la chevêche d’Athéna est l’une des espèces cible principales, a été récompensé par la distinction  de l’ONU  « Projet de la Décennie pour la biodiversité »

20 ans plus tard, la chevêche se porte bien dans le canton de Genève (article dans la Salamandre du mois de mai 2016). C’est l’oiseau de l’année 2021.

Mars 2018, Les vergers à hautes tiges de Genève, notre Région, font partie de notre Terre et de notre Avenir, pourquoi ne méritent-ils plus le label GRTA ? Question urgente 822 posée par Christina Meissner au Grand Conseil et la réponse du Conseil d’Etat