Vidange de Verbois : Le moratoire n’était-il qu’un leurre ?

Une année mois pour mois après la dernière vidange de Verbois et avant qu’on ne doive à nouveau en décréter une autre faute d’avoir pris les mesures nécessaires pour les éviter, il serait temps que le Grand Conseil se penche sur les enjeux liés aux vidanges de Verbois. Au-delà des conséquences catastrophiques potentielles qu’une reprise des vidanges entrainerait pour la faune aquatique, il en va aussi de la sécurité des biens et des personnes  du côté du site de la Jonction. Enjeu qui à ce jour n’a toujours pas été pris sérieusement en main par nos édiles. Raison pour laquelle j’ai demandé que ma motion M2140 déposée le 1er avril soit traitée lors de la session du 28-29 juin. Le parlement a refusé de le faire. Plutôt que d’attendre que le Grand Conseil parvienne au point 82 de l’ôrdre du jour et s’en saisisse, il faudra pour cela des mois, j’ai décidé de la transformer en question écrite.

Merci aux pêcheurs pour l’écho fait à ma motion 21040 sur les vidanges de Verbois dans l’Info pêche No 66 de juin 2013

Ecrit le 1er juin 2013

Le 1er avril 2013, j’ai déposé une motion au Grand Conseil pour obtenir des réponses et des actions concrètes du Conseil d’Etat.

Le 14 mai, le Courrier publie un article sur les vidanges de Verbois, qui rappelle les dommages, le litige avec la France, les alternatives mais bizarrement, ne mentionne pas ma motion 2140 pourtant pile dans la cible.

Contexte

Pour l’ouverture de la pêche en rivière du samedi 2 mars, la communication du Conseil d’Etat ne pouvait plus mal tomber.

Dans son communiqué du 27 février 2013, le Conseil d’Etat informe que « la conférence de presse conjointe de la Préfecture de l’Ain et de l’Etat de Genève sur les chasses de Verbois, prévue le 26 février 2013 à la demande des organismes français concernés, a été annulée par la Préfecture de l’Ain.

Cette communication prévoyait notamment d’exposer le bilan des opérations de chasses du Rhône effectuées en 2012. Ce bilan, globalement positif, a été établi conjointement au mois de décembre dernier par les autorités et les exploitants français et suisses concernés, soit la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et les Services industriels de Genève (SIG). Les autorités françaises et genevoises, en étroite coordination avec les exploitants souhaitaient également présenter la stratégie envisagée pour une gestion durable des sédiments du Rhône, avec comme objectif de trouver les alternatives aux vidanges à court et moyen terme.

Or dans un courrier du 30 janvier 2013 aux SIG, la CNR a conditionné l’avenir de toute discussion au règlement préalable de coûts liés à la vidange 2012, estimés par elle à 8’000’000 euros. Ce montant n’avait jamais fait partie des discussions et négociations qui ont eu lieu.

Aussi, après avoir pris contact avec le préfet en charge du dossier, Mme Michèle Künzler, conseillère d’Etat chargée du département de l’intérieur, de la mobilité et de l’environnement, a considéré que les conditions n’étaient à l’heure actuelle plus réunies pour présenter un bilan conjoint à la presse et à la population. »

Cette information a de quoi surprendre voire même sérieusement fâcher tous ceux qui se sont investis durant des années pour trouver une alternative acceptable aux vidanges de Verbois.

Voilà bientôt 10 ans qu’un groupe de travail planche sur la question des vidanges et sur leur futur. Dans l’attente des résultats, un moratoire avait été décrété mais une ultime vidange était encore nécessaire pour pouvoir déterminer quelle option prendre pour le futur afin de préserver tant les habitants que l’environnement de la manière la plus optimale. Il avait été prévu de tirer un bilan de la dernière opération en date, ce bilan a été fait. Il s’agit dorénavant pour le Conseil d’Etat d’assumer ses responsabilités, de communiquer et de se déterminer.

Rappel historique :

Du 9 au 20 juin 2012, les SIG ont procédé à la vidange du barrage de Verbois. L’opération avait pour but d’évacuer les matériaux sédimentaires accumulés dans le lit du Rhône pour sécuriser le site de la Jonction et permettre le remplacement les grilles protégeant les turbines de telle sorte que leur maintenance ne nécessiterait plus à l’avenir l’abaissement du plan d’eau et ses conséquences catastrophiques pour la faune et les milieux aquatiques.

Les impacts des chasses-vidanges sur l’écosystème du Rhône sont en effet très importants. C’est ce qui avait d’ailleurs incité les associations de protection de l’environnement à réclamer, et obtenir après 2003, un moratoire qui a débouché sur une suspension pendant neuf ans de cette pratique jusqu’alors triennale.

SIG et le canton de Genève avaient clairement exprimé leur volonté de développer d’autres modes de gestion de la retenue de Verbois qui permettraient d’évacuer les sédiments sans provoquer le désastre environnemental d’une vidange.

Ainsi, après la vidange de 2003, un «Groupe vidange» nommé par le Conseil d’Etat s’était attelé à l’étude de différentes variantes alternatives. Elles ont conduit à une évidence: aucune n’était idéale. Que ce soit avec un abaissement complet du plan d’eau, des chasses triennales ou sexennales, que ce soit l’abandon total des vidanges ou leur abandon avec interventions de dragages et/ou ouvrages de protection des berges, que ce soit le scénario de mini chasses pendant les crues de l’Arve ou de chasses un peu plus importantes en automne, aucune solution n’était parfaite. Mais c’est sans conteste le scénario dit passif avec interventions hors chasses qui recevait la meilleure note du point de vue environnemental, en termes de développement durable et en termes de coût, tout à fait acceptable au regard des critères imposés.

Une autre conclusion surprenante des études menées par le Groupe vidange était que la retenue de Verbois continuerait inéluctablement à se combler et à évoluer vers un nouvel état d’équilibre même si le régime des chasses triennales était maintenu. En effet, jusque-là on estimait que ce mode de gestion aurait dû permettre le maintien du gabarit de la retenue au plus proche de son état initial. Pour le point critique de la Jonction, l’ordre de grandeur de l’élévation de la ligne d’eau était sensiblement le même pour tous les scénarios à l’exception des variantes passives pour lesquelles le rehaussement était le plus conséquent.

Il s’ensuivait que les conditions de sécurité notamment à la Jonction et à la Plaine allaient inexorablement se dégrader. Un suivi sérieux et précis de cette dégradation devait donc être entrepris de façon à pouvoir prendre des mesures suffisamment tôt et à garantir en permanence la sécurité des riverains.

La recommandation du Groupe vidange a donc été de s’approcher le plus possible du scénario passif car il offrait l’avantage d’une grande stabilité et limitait à long terme les coûts, une fois les investissements initiaux consentis. C’était aussi la plus intéressante du point de vue environnemental.

Les scénarios et leur analyse sous l’angle ont été présentés en 2006 lors du Congrès Rhône, organisé par SIG. Et, suite à ce congrès, un moratoire sur les vidanges de Verbois a été décidé par le Conseil d’Etat.

En juin 2010, le Groupe vidange ayant terminé ses travaux, il a été remplacé par un Groupe consultatif pour la gestion du Rhône et de l’Arve.

Comme précisé plus haut, quel que soit l’option retenue, les rehaussements de la ligne d’eau due à l’accumulation des matériaux charriés nécessitaient l’adaptation de certaines infrastructures et la mise en place de mesures de protection des riverains. Il fallait donc procéder à une vidange pour évacuer les graviers accumulés depuis 9 ans et pour se donner le temps de mettre en place les mesures de protection nécessaires sur les sites sensibles. Cette opération permettrait par ailleurs de renforcer le monitoring, afin de mieux vérifier les prédictions des modèles. C’est ainsi que la vidange de 2012 (à l’origine prévue en 2011) a été considérée comme inévitable et elle a eu lieu.

La vidange a eu lieu en juin 2012 et que s’est-il passé depuis ?

La gestion du plan d’eau appartient au concessionnaire, les SIG, mais la responsabilité des mesures à entreprendre est partagée avec les collectivités publiques, dont la Ville et l’Etat de Genève. A notre connaissance, ces mesures n’ont pas été entreprises. Le temps passe à nouveau, et voilà qu’il est aujourd’hui question de refaire une vidange, histoire de gagner du temps à nouveau pour ne rien faire ? Le scénario qui se dessine s’éloigne décidément de plus en plus de ceux esquissés avec sérieux par le groupe de travail mis en place. Il se rapproche de plus en plus de celui que le Rhône et sa faune subissent depuis des décennies : des chasses triennales aux conséquences catastrophiques. La responsabilité des collectivités étant engagée, il appartient à ces dernières de les prendre. Qu’attendent-elles ?

Les vidanges et leur terrible impact sur la faune piscicole

Lorsqu’une vidange est nécessaire, SIG et ses partenaires français entreprennent parallèlement sur le Rhône des opérations permettant de minimiser l’impact sur les espèces vivant dans le cours d’eau. En juin 2012, tout ne s’est pas passé comme prévu.

La concentration de sédiments dans l’eau a été plus importante qu’estimé, atteignant jusqu’à 40 grammes par litres ! Les précédentes vidanges avaient lieu tous les 3 ans. Mais 9 ans s’étant écoulés depuis la dernière, la quantité de limon s’est avérée beaucoup plus importante. Les poissons restés dans le Rhône, soit l’immense majorité, avaient donc peu de chances de survivre, la vase colmatant leurs branchies. Seuls 700 poissons ont pu être capturés et mis à l’abri en attendant d’être relâchés. Un chenal avait par ailleurs été creusé à l’embouchure de l’Allondon pour permettre à la faune piscicole de s’échapper dans la rivière. Hélas, le niveau du Rhône a baissé davantage que prévu et le chenal s’est vidé. La voie de secours n’a pas pu fonctionner et des milliers de poissons se sont retrouvés pris dans un piège mortel. Combien exactement ?

Côté genevois, les poissons du Rhône ont fait l’objet d’un suivi scientifique. Quarante-huit d’entre eux ont été équipés d’émetteurs radio dans le but de les suivre à la trace. Il s’agissait de mesurer l’impact de la vidange du barrage de Verbois sur la faune piscicole. Juste après la fin des opérations de vidange, fin juin, 61% d’entre eux avaient survécu. C’était la première fois qu’un suivi aussi précis est réalisé, mais les résultats étaient biaisés par le choix des espèces.  Les poissons marqués, des chevaines, des truites et des barbeaux étaient adultes. Il aurait fallu réaliser le suivi sur des classes d’âges variées et surtout sur d’autres espèces aussi pour obtenir un résultat plus représentatif…  Il reste cependant les résultats du rapport basé sur la comparaison des pêches de contrôle réalisées en automne 2011 et en automne 2012. Il appartient aux autorités de communiquer ces résultats, elles ne le font pas. Pourquoi ?

La frontière entre Genève et la France n’a jamais été aussi marquée

Si des mesures et des comptages ont eu entrepris sur le territoire genevois, tel n’a semble-t-il pas été le cas sur le territoire français. Aujourd’hui, les pêcheurs français réclament à SIG des indemnités jusqu’à 3 millions d’euros mais appartient-il vraiment à SIG de payer pour un problème franco-français ?

Enfin on apprend que, dans un courrier du 30 janvier 2013 aux SIG, la Compagnie Nationale du Rhône, française donc,  a conditionné l’avenir de toute discussion au règlement préalable de coûts liés à la vidange 2012, estimés par elle à 8’000’000 euros. Selon nos autorités cantonales, ce montant n’a jamais fait partie des discussions et négociations. Mais où donc nos autorités avaient-elles la tête durant tout le temps des négociations ? Et que feront nos autorités pour régler leur différend avec les Français sans qu’il en coûte au contribuable genevois ?

Selon le communiqué du Conseil d’Etat du 27 février, la seule décision prise est de ne plus présenter un bilan conjoint à la presse et à la population. Mettre la tête dans le sac en attendant que le temps passe n’est pas une attitude responsable digne de nos autorités. Il est au contraire urgentissime qu’elles informent en toute transparence !

La complexité du dossier n’excuse nullement l’absence de communication. Et ce d’autant qu’on nous rabâche les oreilles de projet d’agglomération, de gouvernance partagée, de groupement local de coopération transfrontalière (GLCT) dont la présidence est par ailleurs assumée par un Conseiller d’Etat genevois, François Longchamp. Tout cela me parait mal emmanché ! Et les payants perdants risquent d’être toujours les mêmes, vous et moi et une ribambelle de poissons  et autres animaux sacrifiés.

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