Un pourcent naturel pour la biodiversité

On a beau clamer haut et fort que l’on veut davantage de nature en ville, pour la rafraîchir, pour lutter contre le réchauffement climatique, pour la santé des habitants, la réalité finit par transformer le vert en gris, l’espoir en déception, la végétation en béton.

Les articles déplorant la disparition de la biodiversité inondent nos médias, les jeunes demandent que l’on se soucie de notre climat (et la biodiversité joue un rôle primordial dans sa préservation) mais sur le terrain, à défaut d’obligation, la minéralisation du sol se poursuit partout en ville comme dans les quartiers de villas.

On rêve de vert, on nous sert du gris !

Du concours d’architectes projetant des visuels de fleurs sur les prairies et et de la verdure jusqu’en haut des toits, des arbres le long des allées et des bosquets au pied des immeubles, que reste-il au final ? Rien ou presque. Ainsi, l’écoquartier Artamis (cf images) s’est transformé en « Artamoche »[1]. De même, dans le quartier de l’Adret, le parc arborisé espéré au milieu des 15 immeubles en cours de construction ne se fera pas, cet espace étant dorénavant nécessaire pour une école.[2] Les enfants y joueront au milieu du béton et ne pourront regretter une nature qu’ils n’auront pas côtoyé.  Que leur laisserons-nous comme environnement pour leur futur [3]?

Un pour cent naturel

C’est à cause de cette incapacité totale d’intégrer la biodiversité dans les projets urbains que j’ai déposé un projet de loi intitulé « Pourcent naturel »[4] pour que, dans la zone à bâtir, 1% du prix de revient de tout nouvel immeuble soit consacré à des mesures en faveur de la biodiversité. Par exemple, des prairies et des haies composées d’espèces indigènes au lieu d’un gazon vert et stérile et de thuyas exotiques ; des pierriers pour les lézards, des tas de bois pour les hérissons, des nichoirs pour les oiseaux et les chauve-souris.  Et si l’espace est restreint, réaliser des toitures et des murs végétaux pas seulement décoratifs mais utiles à la faune indigène.  Trop souvent, les espaces extérieurs, mis en place en fin de chantier, pâtissent d’un manque d’argent pour autant qu’on ait pris la peine d’y penser ! Introduire l’obligation légale de leur consacrer non seulement un espace mais aussi un montant minimal, c’est assurer la prise en compte de la nature dès la conception du projet. Une telle obligation aura aussi comme corollaire d’inciter les architectes et paysagistes à s’intéresser davantage à la biodiversité et pas seulement à l’esthétique des aménagements. Toute la filière de formation en nature et paysage y gagnera aussi en reconnaissance. Finalement, il n’y a pas que la faune et la flore qui profiteront de cette prise de conscience que j’espère au niveau parlementaire.

Bâtir en reconstituant les liens entre la Nature et l’Humain

Les villes doivent devenir des espaces régénérateurs pour l’environnement et pour le bien-être humain. Il faut rendre les villes plus productives en matière d’eau, de végétation, de pollinisation, séquestration du carbone, etc. que les terres d’origine sur lesquelles elles ont été bâties.  Bâtir en prenant en compte notre mère Nature et notre nature humaine, c’est une question non seulement de qualité de vie mais de survie !

Si les autres partis appuient ce projet de loi que j’ai déposé au nom du Parti Démocrate Chrétien et si le Conseil d’Etat est bienveillant et l’implémente, nous verrons alors le début d’une autre manière de construire la ville et notre futur.

Où en est on ?

Avril 2021 : Consciente de l’importance de l’enjeu pour la nature en milieu bâti mais trouvant que les instruments proposés par mon Projet de loi n’étaient peut-être pas les plus pertinents, la commission de l’aménagement du Grand Conseil s’est mise au travail et a proposé en lieu et place une motion de commission. C’est un excellent texte et je me réjouis de l’unanimité trouvée. Comme quoi, quand on veut, on peut. Mon texte n’était pas parfait mais il a eu le mérite de forcer à la réflexion et je suis heureuse qu’elle ait abouti à une prise de conscience du Parlement par le biais d’une motion de commission M 2814 adoptée à l’unanimité et renvoyée au Conseil d’Etat le 21 mars 2022.

15 février 2023:  Le gouvernement rejoint les conclusions de la motion  2814 quant à l’utilité de développer des outils adaptés aux ambitions poursuivies, notamment au moyen d’un indice de biodiversité. Ce dernier doit permettre de fixer des objectifs précis et d’évaluer de façon objective la richesse et la vitalité de la biodiversité pour un secteur donné. Il sera ainsi plus aisé de mettre en œuvre le principe de compensation écologique demandé par la Confédération. Afin d’assurer la transition écologique, il est aujourd’hui reconnu comme essentiel de garantir sur l’ensemble du territoire des surfaces suffisantes de sol vivant et perméable, indispensable au maintien de notre biodiversité. Cet enjeu implique également une réflexion approfondie sur les moyens financiers qui y sont alloués.

 

Le Conseil d’Etat souligne que le Plan d’action 2020-2023 de la Stratégie Biodiversité Genève 2030 répond d’ores et déjà à plusieurs préoccupations de cette motion. Ce plan vise à concilier le développement des activités sur notre territoire avec le maintien d’une biodiversité propice à préserver le bien-être de la population à long terme. Reste à  l’Etat et… à se mettre au travail sur le terrain ce qui est une autre affaire.

Pour en savoir plus

Echos dans les médias

Genève: une motion veut revoir la planification arborée du canton

[1] Tribune de Genève du 16-17 mars 2019

[2] Tribune de Genève du 20 mars 2019

[3] Nature en ville, arrêtons de rêver, Journal Pic-Vert Décembre 2018

[4] Pourcent naturel_Tribune_de_Genève_du 9 avril 2019

 

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