Tout doit être entrepris pour faciliter l’accès et la consommation des produits du terroir
On ne peut comprendre et aimer que ce que l’on a appris à connaître
Cet adage est vrai pour la nature comme pour l’agriculture. A force d’être déraciné en ville, de vivre la vie par écran interposé, l’Homo sapiens ne sait plus d’où il vient et oublie l’origine de la substance qui le fait vivre. Ce tissu vivant qu’on appelle nature, dont l’agriculture tire sa substance, avant de l’offrir à l’être humain. Face à l’image virtuelle idéale, il est vital de se replonger dans la réalité, de se souvenir ou d’apprendre d’où vient le poulet servi en nuggets, la salade ou le fruit prédécoupé sous cellophane, le miel ou le yogourt en pot.
Que faire pour que l’humain retrouve ses racines ?
Il faut lui donner la possibilité de retourner à la terre. Qu’il s’agisse de la tête qui doit revenir sur terre ou des pieds qui doivent à nouveau la fouler, la reconnexion bien concrète à la terre nourricière est vitale à tout être humain, connecté ou non.
Une fenêtre s’est ouverte lors de la pandémie, quand subitement l’escapade lointaine, le supermarché, le restaurant sont devenus inaccessibles. Soudain, un autre horizon s’est imposé. Il n’a jamais été fermé, juste ignoré malgré sa proximité, et l’habitant des villes a retrouvé le chemin de la campagne et en a profité. Si le marché à la ferme s’en est réjoui, la nature et les pâturages s’en sont moins bien accommodés. A trop étreindre, la terre sauvage ou cultivée a frisé l’étouffement sous les déchets, l’homme de la ville ayant oublié qu’en campagne le sol souffre du piétinement, les rivières sont aussi vivantes et les vaches ne sont pas des poubelles. Les plastiques et les canettes se digèrent mal, très mal, ils sont même parfois fatals. Et la fenêtre de la pandémie s’est refermée.
Dès lors que la vie a repris « comme avant », faut-il pour autant perdre notre « arrière-pays » ? Certainement pas. La situation planétaire est toujours aussi mauvaise, si du côté viral un répit est offert, le climat nous rappelle que rien ne va plus et que rien ne peut vraiment être « comme avant », sauf à foncer droit dans le mur… de béton.
Il est toujours aussi urgent d’offrir par tous les moyens à l’être urbain les moyens d’accéder à ses racines, à son terroir et aux fruits de ce dernier.
Faciliter la consommation des produits du terroir
Une motion du Centre, déposée en 2019, AVANT la pandémie, demandait de faciliter la consommation des produits du terroir. Elle a été adoptée en avril 2022 par le Grand Conseil et envoyée Conseil d’Etat*. Dans sa réponse de septembre 2022, le Conseil d’Etat a non seulement reconnu l’importance de faciliter l’accès du consommateur aux produits du terroir mais aussi de l’améliorer par tous les moyens. Sa réponse exhaustive à la motion a montré que des voies multiples existaient et que l’Etat entendait bien les utiliser. Citons notamment le soutien aux plateformes en ligne (via Genève terroir, Panier d’ici, etc.) la promotion via des bons du terroir (Genève Avenue), des paniers du terroir ou encore le soutien aux fermes urbaines. Mentionnons encore le projet « edirekt » qui a pour vocation de fournir une plateforme permettant la centralisation de données « producteurs » utiles à de nombreuses applications existantes ou à venir, comme des plateformes de vente en ligne. Le Centre remercie le Conseil d’Etat et se réjouit des efforts déployés et démultipliés.
Devenir consommacteur
Mais il existe une autre piste qui reste à développer, celle d’offrir au citadin non seulement la possibilité de consommer local mais de participer aussi à la production et de devenir ainsi un vrai « consommacteur ». Rien de tel en effet que de se confronter à la réalité pour reconnaître que derrière l’image bucolique du paysan qui cultive sa terre et trait sa vache, il y a de vrais métiers, de vraies compétences, de vrais produits et donc de bonnes raisons de préserver la zone et la vie agricoles.
Il faut pour cela que l’agriculteur accepte que le citadin puisse lui aussi se frotter à la terre, la cultive et en récolte les fruits. Au-delà des potagers urbains confinés en bacs, ce sont de vraies parcelles qui doivent pouvoir être cultivées par ceux qui le souhaitent et ils sont nombreux notamment dans les quartiers périurbains qui côtoient la zone agricole. Cet enthousiasme pour le retour à la terre nourricière s’avère d’autant plus pertinent que nous vivons une époque où la santé physique et mentale se fragilise significativement de par une mauvaise alimentation et le manque d’activité extérieure, ce qui semble encore plus préoccupant quand il s’agit de jeunes enfants et adolescents. L’aspect social des activités collectives ne devrait pas non plus être négligé à l’heure où les relations et les capacités de communication directes entre êtres humains sont fragilisées par l’isolement et le tout numérique. Enfin, il s’agit aussi d’une démarche pédagogique amenant à réfléchir au réchauffement climatique, à l’alimentation, à la biodiversité et à la vie sous tous ses aspects.
Cette agriculture participative, loin d’être une aberration, est au contraire la meilleure garante de la reconnaissance et du respect réciproque, une reconnaissance et un respect dont les agriculteurs ne peuvent que sortir gagnants. Car le citadin qui met les pieds dans la terre et la cultive apprend ainsi à connaître les enjeux, l’influence du climat, la compétence nécessaire pour parvenir à remplir ce rôle nourricier et par-delà même à la nécessité de préserver l’agriculture et les agriculteurs.
*Motion 2519 de Christina Meissner et cosignataires « pour une consommation locale facilitée des produits du terroir » https://ge.ch/grandconseil/data/texte/M02519B.pdf
Article paru dans le Journal du parti Le Centre de février 2023
Image Andrew Mayers
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