La leçon du cèdre

Au Mont-sur-Lausanne la population votera sur un plan localisé de quartier (PLQ) daté de 2006. Ainsi en a décidé le Tribunal fédéral qui valide une initiative visant à sauver le vallon de la Valleyre. Les initiants pointaient du doigts des décisions vieilles de dix-sept ans en total décalage avec les préoccupations contemporaines pour la préservation de la nature. Le Tribunal a rejeté le recours des propriétaires du PLQ « car les origines de cette planification remontaient à plus de 15 ans dépassant ainsi l’horizon de planification de 15 ans visé par la loi pour la zone à bâtir. » « Un changement d’opinion au sein de la population ou du rapport de force politiques peut, par le biais d’une initiative populaire, justifier la remise en cause d’un plan d’affectation ». Bravo les Vaudois !

A Genève, à la rue du Colombier, un cèdre centenaire est menacé par une promotion immobilière dans un quartier déjà très dense. Une pétition munie de plus de 1500 signatures ne semble pas émouvoir les autorités. Le PLQ est aussi ancien, le changement d’opinion de la population aussi vif à Genève que dans le canton de Vaud, les arbres aussi précieux. La population parviendra-t-elle à sauver ce magnifique cèdre ? Le 3 novembre à 11h, le cèdre est mort, terrassé par les tronçonneuses, car soi-disant il faut loger nos enfants. Ne reste que la flamme des bougies à Noël pour regretter son funeste sort alors que cet abattage n’était pas une obligation et encore moins une fatalité !

Le Canton appuyé par les magistrats de la Ville aurait pu, et aurait dû, agir comme suit :

  • Refuser l’autorisation d’abattage, malgré l’existence d’un plan localisé en force. Le règlement sur les arbres (RCVA) ne l’obligeait nullement à l’accorder.
  • Proposer une indemnisation correcte aux promoteurs, en puisant au besoin dans les 150 millions accordés par le Grand Conseil pour développer l’arborisation de la ville.
  • En l’absence d’accord, laisser les promoteurs porter l’affaire devant la justice et se battre jusqu’au Tribunal Fédéral si nécessaire, pour montrer l’importance qu’on donne à nos grands arbres et obtenir une jurisprudence utile pour mieux les protéger tous.

Les étoiles  « vertes » n’ont pas  brillé. Ni le président du Conseil d’Etat Vert en charge de l’urbanisme ni les deux conseillers administratifs Verts en charge des espaces verts et de l’aménagement urbain, n’ont apporté le soutien attendu par les habitants du quartier à la sauvegarde du cèdre face à la bétonisation du quartier.  Il faut regretter amèrement qu’une initiative n’ait pas été lancée comme sur sol vaudois.

Le prix en francs annoncé par les promoteurs pour renoncer à une part de leur projet a été jugé trop élevé pour que les édiles Verts ne sauvent le cèdre. Ont-ils pris en compte la valeur de cet arbre pour tous ses services écosystémiques ? Certainement pas et les quelques trente mille francs de valeur compensatoire seront vite absorbés dans le montant d’une promotion à dizaines de millions de francs. Les pertes écosystémiques ne comptent pas et c’est ça qui ne va pas.

Le cèdre ne renaîtra pas mais il faut en prendre de la graine avant les prochaines bétonnisations de la ville. Elles ne sauraient tarder tant le désir d’entasser la population reste de mise pour les autorités en place. Allez vérifier les PLQ en vigueur dans votre quartier et n‘attendez pas l’autorisation de construire pour intervenir car il sera alors trop tard. Demandez à ce qu’ils soient revus pour que  la biodiversité des quartiers qu’ils touchent soit enfin prise en compte à sa juste valeur.

Article paru dans la Tribune de Genève du 13 novembre 2023

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