Huile de palme : incohérence totale de notre politique extérieure

Huile de palme : incohérence totale de notre politique extérieure

En tant que première signataire, j’ai eu l’honneur de représenter le canton de Genève devant la commission de la politique extérieure du Conseil des Etats pour défendre la résolution cantonale R843[1] demandant à l’Assemblée fédérale d’exclure l’huile de palme et ses dérivés des accords de libre échange que la Suisse entend signer avec la Malaisie et l’Indonésie. Cette résolution avait été acceptée à l’unanimité du parlement genevois le 28 février 2018. Le canton de Thurgovie ayant fait la même démarche, nous nous sommes retrouvés deux femmes romandes (PDC et Verte)  et deux hommes alémaniques (PLR et UDC) face aux sénateurs et au conseiller fédéral Schneider Amman, le 3 septembre dernier pour défendre nos textes. Notre dossier[2] était solide car nous avions eu la chance de bénéficier de l’aide de la Coalition contre l’huile de palme[3]. Las, nos deux motions cantonales de même que la motion du conseiller national Grin ont été balayées.

En lieu et place, la commission du Conseil des Etats a proposé une motion vide de toute substance.[4]

Cette motion propose de faire confiance à la production d’huile de palme durable alors qu’il n’y a pas d’huile de palme « durable ». Le label de référence « RSPO »[5] n’a aucun moyen de contrôle, aucune pénalité n’est prévue pour les contrevenants et même si un abus est avéré, l’entreprise coupable est réintégrée dans le label après quelques mois seulement. A qui profite donc l’huile de palme ? Aux grands groupes de production industrielle massive et aux fabricants de pesticides et d’engrais sans doute. Les petits producteurs malaisiens et indonésiens y laisseront leur santé et les orangs outangs leur vie. Quand on sait que sont des enfants qui travaillent dans les cultures et que les grands singes sont à la limite de l’extinction, il y a de quoi être écoeuré par tant d’inconscience.

La motion propose par ailleurs que la Suisse se réserve le droit de prendre des mesures si notre production indigène était menacée. Mais c’est évident qu’elle sera menacée ! Réduire les droits de douane sur l’huile de palme c’est en importer encore davantage au détriment de nos huiles de colza et de tournesol, plus saines mais plus chères car produites sous des standards environnementaux très stricts. Les mesures qui seraient prises n’étant pas décrites dans la motion, on est en droit d’en conclure que l’on est ainsi prêt à mettre en péril notre production indigène et nos paysans alors que l’on connait déjà leur difficulté face à la production étrangère.

Enfin, la motion de la commission du Conseil des Etats ne dit pas un mot sur la santé alors même que l’on sait que l’huile de palme est trop riche en acide gras saturés et que ces derniers sont cancérigènes. Et ne pas en consommer est déjà quasi impossible tant il y en a partout même dans les aliments pour bébés alors qu’on ignore tout de l’effet sur la santé sur le long terme.

Les motions de Thurgovie et de Genève ne demandaient pourtant pas l’impossible, elles ne demandaient même pas de se passer de l’huile de palme mais juste de ne rien changer à la situation actuelle en matière de droits de douane.

Au final,  la motion des sénateurs « Aucune concession pour l’huile de palme qui réduise la production suisse d’oléagineux » est un leurre. Elle aurait dû s’intituler « pas question de renoncer aux accords de libre échange ».  Et dire que ce ne sont que les premiers d’une longue suite que la Suisse, sous l’impulsion du ministre Johann Schneider Amann, s’apprête à signer partout dans le monde au mépris de l’environnement, des droits humains, d’une alimentation saine et de notre production agricole indigène.

La coalition contre l’huile de palme a vivement réagi par un communiqué de presse [6]et  décidé d’envoyer une pétition « Pas de libre échange avec l’huile de palme »[7]

A la lumière de cet éclairage, il ne reste qu’un message à envoyer à nos autorités fédérales et notamment au Conseil de Etats avant qu’il ne se prononce en plénum le 24 septembre : signer la pétition et voter oui aux deux initiatives sur la souveraineté alimentaire  le 23 septembre !

[1] http://ge.ch/grandconseil/data/texte/R00843.pdf

[2] https://bmf.ch/upload/berichte/dossier_huile_de_palme___final_180822.pdf

[3] La coalition contre l’huile de palme est composée des organisations suivantes : Associazione consumatrici e consumatori della Svizzera italiana, Alliance Sud, Biovision, Bruno Manser Fonds, Fédération romande des consommateurs, Fédération suisse des producteurs de céréales, Pain pour le prochain, PanEco, Pro Natura, Public Eye, Union suisse des paysans, Uniterre.

[4] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20183717

[5] Roundtable on sustainable palm oil.  Cela vaut d’autant plus pour les labels étatiques ISPO et MSPO (Indonesian et  Malaysian Sustainable Palm Oil), considérés comme nettement plus faibles que le RSPO (cf. Forest Peoples Programme (2017): A Comparison of Leading Palm Oil Certification Standards; https://www.forestpeoples.org/sites/default/files/documents/Palm%20Oil%20Certification%20Standards_lowres_spreads.pdf)

[6] https://pro-foret-pluviale.ch/fr/news/mauvais-compromis-de-la-commission-du-conseil-des-etats–la-coalition-sur-lhuile-de-palme-reagit-avec-une-petition

[7] https://pro-foret-pluviale.ch/fr/petition/

Consulter également mon article https://www.christinameissner.com/libre-echange-mortifere/

Une réponse à Huile de palme : incohérence totale de notre politique extérieure

  1. 6 octobre 2018 at 2 h 05 min #

    Good point. I hadn’t thouhgt about it quite that way. 🙂

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