Des routes aux pentes hirsutes, ça hérisse….

En communiquant hâtivement sur la fauche tardive des talus des bords de route, notre Conseiller d’Etat Luc Barthassat a déclenché l’ire de ses amis les agriculteurs. Espérons que lui-même et la biodiversité qu’il défend ne passeront pas sous leurs fourches caudines…

Notre Conseiller d’Etat n’a pourtant rien inventé.  L’action qu’il prône n’es pas nouvelle, elle a pour origine le Groupe talus,  un groupe mythique du siècle passé ( !) aujourd’hui disparu.

TalusEn 1996, Pro Natura Genève publiait avec le soutien de l’Etat de Genève, la brochure « Protection de la nature et entretien des talus des bords de routes et des cours d’eau, résultats de 5 années d’action ». Après avoir identifié de nombreux talus comme offrant un refuge  bienvenu pour une flore et une faune menacées à cause de l’usage des engrais et pesticides, un programme de fauche tardive et de suivi biologique sur près de cent sites genevois a été proposé par le Groupe talus de l’association. L’objectif était de permettre à ces espèces devenues rares, comme par exemple les orchidées, de pouvoir s’épanouir à nouveau grâce à une fauche tardive leur permettant de compléter leur cycle annuel.

La raréfaction des espaces naturels liée à l’exigüité du territoire cantonal ne permettait plus, à l’époque déjà, d’ignorer les milieux semi-naturels, même situés au bord d’une route.

Evidemment, les efforts déployés pour reconquérir le terrain perdu par la nature sur les talus ne pouvaient être isolés. Cette action se combinait à ceux d’une agriculture plus respectueuse de la nature, de particuliers tolérant un coin sauvage dans leurs  jardins et à un entretien extensif des parcs publics ou d’entreprises.

S’il avait fallu plusieurs années pour déployer cette action au niveau cantonal, c’est qu’elle avait été menée de concert avec les services de l’Etat, les communes, les entreprises et les agriculteurs et qu’un suivi scientifique l’avait accompagnée. Une enquête effectuée par la Chambre Genevoise d’Agriculture (AgriGenève) en 1994 avait d’ailleurs montré que seul un des talus fauché tardivement posait problème à l’agriculture. Le chardon des champs s’y était installé grâce aux engrais provenant du champ adjacent. Dans les rares cas où des plantes indésirables apparaissaient, c’était le Groupe Talus de Pro Natura qui intervenait pour des éliminations ponctuelles.

Grâce aux talus, le réseau biologique et le réseau routier interagissaient pour permettre le déplacement des espèces quelle qu’elles soient.  Grâce à des fauches moins fréquentes, il était possible d’alléger la charge de travail et financière induite par un entretien traditionnel. L’agriculture avait aussi compris l’intérêt d’avoir des talus fauchés tardivement, où nombre d’espèces prédatrices alliées lui permettaient d’économiser sur les pesticides. Cette action était donc exemplaire socialement, économiquement et environnementalement.

Feu Jean-Jacques Marteau de la Tribune de Genève nous accompagnait chaque année dans le suivi des talus fauchés tardivement  et ses articles mémorables dans la Julie contribuaient de manière très importante à la sensibilisation de la population encore peu habituée à la vision de talus peuplés d’herbe haute.

Aujourd’hui, plus personne ne s’étonne de voir des talus fauchés tardivement, alors fallait-il vraiment en faire une opération de communication et poser des panneaux partout comme s’il s’agissait d’un évènement exceptionnel et non pas d’une action courante acceptée de tous ?

Christina Meissner, députée, ancienne chargée d’affaire de Pro Natura et coresponsable avec Michel Vauthey du Groupe talus

Publié dans le Courrier des lecteurs de la Tribune de Genève du 9 août 2016

Egalement publié sous forme de blog

 

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