La chouette, le verger et la distillerie

Les vergers à hautes tiges  de Genève, notre Région, font partie de notre Terre et de notre Avenir, pourquoi ne  méritent-ils plus le label GRTA ?

L’histoire que je partage avec la chevêche d’Athena, petit rapace aux yeux d’or, commence en 1990. Une des dernières populations du canton, allait être mise en péril par la construction d’une bretelle autoroutière à proximité du coteau de Saconnex d’Arve, là où les vergers traditionnels à haute-tige forment un paysage à haute valeur  patrimoniale  et constituent un habitat de prédilection pour la chevêche. S’opposer eut été vain, mieux valait profiter de la construction de l’autoroute pour revitaliser la nature, transformer un risque en une opportunité et aboutir à une action durable : sauvegarder une espèce, la chevêche, en sauvegardant un espace, les vergers traditionnels du coteau de Saconnex d’Arve.

C’est ainsi qu’avec l’aide de la Confédération, du canton, des communes, des associations, d’une fondation et de la Loterie romande, l’action de sauvegarde des vergers de Pro Natura Genève, initiée en tant que compensation  à un ouvrage autoroutier, a vu le jour.

En 1991, date du dernier recensement fédéral, sur la centaine de milliers d’arbres à hautes tiges du canton de Genève, il n’en restait que 17’000. Victimes de l’intensification des cultures et de l’urbanisation des couronnes villageoises, les vergers traditionnels étaient en voie de disparition

Pour faire un état des lieux précis de la situation sur le terrain à Genève, Pro Natura, avait décidé en 1991, d’effectuer un  inventaire des vergers haute tige du canton. Alors qu’elle mène cet inventaire, le projet d’autoroute de contournement est au stade de l’évaluation des impacts. Des mesures environnementales devront être prises pour garantir un bilan écologique équilibré.

Face au projet autoroutier, Pro Natura Genève décide de se battre pour sauvegarder les vergers du coteau de Saconnex-d’Arve. Le tracé de l’autoroute côtoie des biotopes favorables pour l’avifaune et la Chouette chevêche, dont la population est en nette régression. La revitalisation des vergers de cette région, pour la plupart en piteux état, s’impose. En 1993, le Département des travaux publics et  l’Office fédéral des routes nationales entrent en matière sur cette proposition de compensation écologique novatrice et adéquate, contribuant par ailleurs à assurer la pérennité de la population de Chevêche du canton de Genève.

Cette mesure réalisée avec l’accord des propriétaires pour la plupart privés et le financement du canton et de la Confédération a permis de sauver le plus bel ensemble de vergers du canton de Genève. Entre 1994 et 1997 (date de l’ouverture du nouveau tronçon autoroutier), l’action a permis de revitaliser 112 vergers dignes d’intérêt dont tous ceux du coteau de Saconnex d’Arve. Mais cette action de sauvegarde ne s’est pas arrêtée à la région impactée par l’autoroute, elle a pris de l’ampleur, elle a dépassé les frontières communales et même cantonales. Des années avant que l’on parle de projet d’agglomération, de Grand Genève et de GLCT, cette action transfrontalière a été reconnue et financée comme projet Interreg.

Durant cette période, près de 2400 arbres d’anciennes variétés locales ont été plantés, la plupart avec l’aide des enfants des écoles des communes genevoises et françaises toutes volontaires pour participer à l’action transfrontalière nommée A chaque commune son verger[1]. Une action alliant, suivi des populations de chevêches, entretien des vergers et valorisation des fruits.

Cette action de sauvegarde des vergers traditionnels à haute tige est donc l’exemple type d’une action concertée, ancrée dans la logique du développement durable alliant préservation de la biodiversité et d’une activité locale, économique et sociale, allant de la plantation  jusqu’à la récolte.

L’action initiée sur le coteau de Saconnex d’Arve a porté ses fruits dans tous les sens du terme, puisqu’en 2018, près de 30 ans plus tard, la chevêche, le paysage, les arbres et la distillerie de Saconnex d’Arve sont toujours là. La distillerie a certes connu des difficultés mais avec l’appui de la commune de Plan-les- Ouates, son activité n’a jamais cessé. Depuis 3 ans, elle a été reprise avec succès par  Nicolas Bloch. Il a continué à récolter à la main et à distiller les fruits des vergers, pour la plupart propriété de particuliers, poursuivant ainsi la mission patrimoniale mais aussi sociale de cette distillerie. La qualité des eaux de vie est au rendez-vous et la demande grandit. Comme les souligne Jérôme Estèbe dans la Tribune de Genève du 25 février 2018, tout baignerait dans le marc et le brandy, si ce n’était que le label Genève-Région-Terre-Avenir vient d’exclure du label les fruits utilisés par la distillerie et donc les produits qui en sont issus, du fait  que ces fruits sont cueillis sur des arbres privés, oubliés, sauvages donc sans garantie de « traçabilité ».

Mes questions au Conseil d’Etat sont dès lors les suivantes :

Quelle garantie peut-on avoir que les abeilles produisant du miel GRTA ne butinent que des fleurs GRTA ?

Quelles démarches le Conseil d’Etat va-t-il entreprendre pour permettre aux eaux de vie de la distillerie de Saconnex d’Arve de retrouver leur label GRTA ?

Telle est  le contenu de la question urgente que j’ai déposée le 22 mars 2018

[1] A Genève: Bardonnex, Bernex, Confignon, Jussy, Puplinge, Presinge, Vandoeuvres, Versoix.  En France voisine: Divonne, Grilly, Cessy, Péron, Prévessin-Moens, Sergy, Viry. Certaines communes contactée à l’époque, l’ont fait des années plus tard, au gré des opportunités: Avusy et Vernier (en 2012). L’action transfrontalière de sauvegarde des vergers à hautes tiges de Pro Natura Genève a reçu plusieurs prix. En 1995 celui de l’Environnement (devenu prix du Développement durable du canton de Genève) et en 2003, celui du Fonds suisse pour le paysage (FSP). Elle a toujours reçu le soutien de la Fondation Hans Wisdorf.

Le vendredi 13 juin 2014, le projet „Grenzüberschreitende Förderung der Streuobstwiesen und ihrer Artenvielfalt » (promotion transfrontalière des vergers à hautes tiges et de leur diversité en espèces), dont la chevêche d’Athéna est l’une des espèces cible principales, a été récompensé par la distinction  de l’ONU  « Projet de la Décennie pour la biodiversité »

 

 

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